Noticias : entretien avec Morenito de Aranda reconnaissant avec l’aficion française

Et des défis à relever pour cette temporada

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Entretien réalisé par Thierry Ripoll (Toreria.net pour vuelta)

Le 12 mai prochain, Morenito de Aranda fera sa présentation dans les arènes d’Ales devant des toros de Yonnet tout en rêvant de revenir à Nîmes comme matador de toros et d’y confirmer son alternative… Et avec un nîmois pour apoderado, Jean-François Piles, ce serait en quelque sorte une corrida de consécration pour les deux….

Sa faena héroïque à Vic Fezensac l’an dernier a plus que marqué les esprits. Prit par le 1er toro de Baltasar Iban en l’attendant à porta gayola qui lui infligea un coup de corne dans l’aisselle il est allé au bout de sa faena malgré les douleurs, avant d’être évacué vers Toulouse en hélicoptère. Un geste torero qui a fait de lui un véritable héros pour les aficionados. Trois semaines après sa grave blessure subie dans les arènes gersoises, Morenito de Aranda est revenu en piste pour triompher lors de la corrida des fêtes d’Aire-sur-l’Adour ou, comme pour conjurer le sort, il alla attendre à porta gayola son premier adversaire….

-Maestro comment peut on se remettre si vite d’une telle blessure, comme celle de Vic ? Et est elle la plus grave que vous ayez reçu ?

« Effectivement c’est l’une des plus grave que j’ai reçu avec celle de 2007 en Colombie, une vilaine cornada dans le cou… Les blessures font parties de la vie d’un torero et on s’en remet grâce à beaucoup d’abnégation et de rééducation mais c’est surtout la mentalisation qui nous pousse à avancer et le grand triomphe d’Aire est pour moi la récompense de trois semaines d’efforts… « 

Jésus Martinez Barrios, qui deviendra plus tard “Morenito de Aranda” est né à Aranda de Duero au cœur de la région viticole de la Ribera del Duero, le 10 novembre 1985.

-Comment êtes vous venu aux toros et pourquoi avoir voulu devenir torero ?

« De tout petit j’ai assisté à des corridas et j’ai de suite était fasciné par ce monde… Pour moi ce fut une évidence. Je rêvais de toros, je rêvais de devenir une figura del toreo comme beaucoup d’enfant mais pour moi le petit plus est venu de la très grande aficion de mon père et je me souviens encore de la première fois ou je suis allé avec lui à l’école taurine et que j’ai tenu pour la première fois une cape. Ce fut une sensation incomparable. »

-Vous avez fait vos premiers pas à l’Ecole Taurine d’Aranda, quels souvenirs en gardez vous ?

« Aranda c’est ma ville et je garde en mémoire les grands moments que j’y ai vécu. Je pense encore à mes professeurs, aux aficionados, à tous ceux qui m’ont aidé et malgré tout le chemin parcouru j’ai toujours beaucoup d’affection pour eux comme pour ma ville que j’ai toujours dans mon coeur. »

A cette époque là il rêvait de Curro Romero et de Rafael de Paula en toréant de salon, en écoutant Camaron de la Isla. Il débuta très jeune, se produisant même à Dax alors qu’il n’avait que onze-douze ans. Il passa en piquée en 2002 et fit sa présentation à Madrid en 2004, toréant entre autre à Valencia, Córdoba, Nîmes ou Sevilla… Des moments importants vécus grâce à la présence à ses cotés de son père et de Carlos Zuñiga père…

Aujourd’hui il est à l’affiche devant des toros sérieux que ces toreros là et bon nombre d’autres figuras n’ont jamais affronté. Et pourtant c’est un torero au corte classique et allurée avec une tauromachie de très bon goût, toréant avec rondeur et inspiration…Un authentique torero de Madrid même si l’an dernier, les portes de Las Ventas lui sont restées fermées malgré une superbe partition devant les Samuel Flores en 2022…

-Comment vit on le fait de ne pas faire un paseillo dans ces arènes de Las Ventas alors que vous y êtes une référence depuis entre autre cette corrida goyesque de 2015 et ou vous y avez fait plus d’une trentaine de paseillos et coupé plusieurs oreilles de poids ?

« Madrid c’est une grosse blessure pour moi, une injustice même. C’est difficile de ne pas re-toréer à Las Ventas, d’être absent de la San Isidro, c’est un sentiment de déception. En revanche avec les grands moments de l’an passé et la belle temporada qui s’annonce, je vais tout faire pour me faire désirer par l’aficion madrilène et y revenir encore plus fort…. »

Une corrida extraordinaire, de sangre y gloria (grave blessure de López Simón et d’Ángel Teruel), à Madrid, une de celles qui a marqué la temporada 2015, due d’abord au lot de toros de Montealto dont le cinquième, du nom de « Frutero » aurait fait la vuelta dans beaucoup d’arènes et aurait même put être gracié dans bien des arènes espagnoles ou françaises. Un toro qui a offert à Morenito de Aranda un triomphe indiscutable et indiscuté. L’exigeante afición de Las Ventas étant conquise.

-Vous êtes un chef de lidia reconnu et recherché surtout en France, mais en Espagne, malgré des succès importants et hormis Madrid, vous n’avez pas le même regard de l’aficion. Pourquoi ?

« Tout d’abord je tiens à remercier l’aficion française pour la confiance et le cariño qu’elle me témoigne. C’est très important cette reconnaissance et je vais de me donner encore plus pour apporter encore plus de satisfaction au public français. En Espagne de nombreuses et belles dates se dessinent, ce qui va me permettre de revenir encore plus fort et cela, grâce à votre aficion et votre soutien. Je ne serais ni le premier ni le dernier torero à rebondir grâce à la France…. »

-Quel bilan tirez vous de la quinzaine de corrida toréées l’an dernier ? Une temporada importante ? La corrida qui a ou qui vous a le plus marquée ?

« 2023 a été pour moi une saison fondamentale avec notamment le triomphe de Vic ou malgré la blessure, face à ce toro brave de Baltasar Iban, j’ai pu construire une faena importante avec de l’émotion et ou j’ai pu montrer tout ce que j’avais en moi… Ce fut l’un des moments clé de ma temporada mais aussi de ma carrière. Il y eu aussi de grands moments à Burgos ou à Aire/Adour pour mon retour, à Bayonne. Ce fut une saison pleine avec tout type d’encaste et beaucoup de satisfaction, l’une de mes meilleures de matador de toros. Je ne me suis jamais aussi senti bien devant les toros qu’en ce moment et j’espère que ça va durer encore longtemps…. »

-Cinq ou six corridas de prévues en France, mais qu’en est il en Espagne en ce début de temporada ? Un retour à Madrid pour la seconde moitié de la saison ? Des approches avec des arènes importantes ?

« 2024 s’annonce sous les meilleurs auspices avec quelques défis à relever. Encore une variété d’encaste et des ganaderias importantes seront sur ma route, une bonne quinzaine de corridas et certaines dans des arènes importantes. Ma temporada a commencé à Villaseca de La Sagra, où le 1er toro de Peñajara de Casta Jijona, me prit spectaculairement en l’attendant à porta gayola, heureusement sans mal, ensuite je suis à l’affiche à San Augustin de Guadalix, Ales, Vic et d’autres courses qui seront annoncées le moment venu, mais ce qui est sur c’est qu’on va encore parler de moi cette année…. »

En plus d’Ales, de Vic avec les toros de Los Maños , Morenito de Aranda sera à Mont de Marsan pour la corrida concours et vraisemblablement à Aire sur l’Adour (Peñajara) et à Saint Vincent de Tyrosse (Gallon)

Si le torero de La Ribera del Duero est un habitué de la finca de J.L. Couturier ou dernièrement il a triomphé devant deux très bons toros d’El Tajo y la Reina propriété de l’ancien torero Joselito avec son toreo pur, classique et profond, Saint Martin de Crau se souvient encore de son superbe et inspiré combat en 2014 face au toro de vuelta « Jilguero » de de Rehuelga, l’épée le privant de tout trophées. Saint Martin aussi l’année d’après et enfin un triomphe devant « Despierto » des Freres Gallon avant l’indulto de « Odalisco » du même élevage à Iniesta… Qu’est ce que tout cela évoque pour vous ?

« Beaucoup de grands moments de partage et d’aficion, en particulier avec les frères Gallon et J.L. Couturier avec qui j’ai vécu de belles histoires humaines, des éleveurs dont en plus j’ai eu le privilège de gracier un de leur toro… Mon petit rincon de votre sud-est taurin et de grands souvenirs qui ne s’altéreront jamais, comme ce toro de vaches de Rehuelga dont j’ai croisé le chemin un jour de feria… »

Sans oublier l’excellente partition dans les arènes d’Arles en 2017 devant les Pedraza de Yeltes, une arène qui a toujours bien réussi au torero burgalés et dont il aimerait bien y refouler le sable… Si la France et les plazas de toros de l’Espagne du Nord sont le terreau pour ce toledano d’adoption, dans sa ville natale les affaires taurines sont misent à mal…

-Que se passe t il à Aranda de Duero, chez vous, ou il n’y a plus de toros programmés ?

« Les arènes sont fermées pour des problèmes administratifs entre le propriétaire et la mairie d’Aranda de Duero. Personnellement je participe pour essayer de trouver une solution pour la réouverture des arènes, pour qu’à nouveau il y ai des toros, des corridas. C’est une ville taurine avec beaucoup d’aficion et j’espère aussi que je pourrais y re-toréer dans un proche futur … »

Vic Fezensac, Saint Martin de Crau, Bayonne, les arènes d’Aquitaine ont inscrit le nom de Morenito de Aranda sur leur livre d’or, mais chez lui, de l’autre coté des Pyrénées, il lui manque la reconnaissance de la plupart des grandes arènes espagnoles

-Ces dernières années, vous êtes surtout reconnu par l’aficion française. Pensez-vous que cela peut relancer votre carrière en Espagne ?

« Comme je l’ai déjà dit, c’est sûr, mais pas qu’en Espagne, ça peut aussi booster ma carrière de l’autre cote du charco, car l’aficion française est l’une des meilleures du monde actuellement et reconnu comme telle. D’autres grands noms du toreo sont revenus au premier plan grâce à elle … »

Présent à ses cotés depuis quelques années, Jean-François Piles est officiellement son apoderado pour 2024…

-Que vous apporte JF Piles en tant qu’apoderado ?

« Il m’apporte beaucoup de paix et de sérénité et c’est très important dans notre métier. Maintenant nous nous connaissons très bien et c’est primordial pour moi d’avoir à mes cotés quelqu’un en qui j’ai totalement confiance. Ça me permet entre autre d’aborder chaque corrida avec l’esprit serein et de ne penser qu’aux toros, de montrer le meilleur possible de mon toreo et à la fin de triompher … »

C’est par passion et amour du toro bravo que Jesús Martínez « Morenito de Aranda » a créé sa propre ganaderia en 2011. Baptisée « Toros de Castilla » elle se partage les terres de la finca « La Mella » à Oropesa près de Tolède et de la Sierra de Gredos. Un troupeau de 90 mères d’encaste Núñez – via l’élevage madrilène d’El Retamar.

-Pour finir, on connaît le torero mais beaucoup moins le ganadero. Vous avez crée votre ganaderia ‘Toros de Castilla’ d’encaste Nuñez. Pourquoi cette encaste et pourquoi élever des toros ? Pour faire comme votre apoderado Jean-François Piles* ?

« Ja ! ja ! ja !. Non c’est un rêve de toujours que j’ai réalisé. Je suis un homme de campo et je n’imagine pas mon quotidien sans vivre au milieu des toros. C’est très important pour moi, ça me permet de trouver la sérénité et de me ressourcer entre les entraînements, les corridas et ma vie professionnelle… J’ai choisi à la base du Nuñez parce ce sont des toros braves comme je les aime avec beaucoup de classe dans leurs embestidas, ce qui permet de toréer avec énormément de profondeur et transmettre beaucoup d’émotion… Aujourd’hui je travaille en parallèle avec des bêtes de Joselito, d’origines Nuñez/Domecq qui donnent des résultats très prometteurs et j’espère un jour mes toros seront à l’affiche en France… Pourquoi pas !. « 

* Jean-François Piles s’est associé au ganadero landais Guillaume Dussau pour créer son élevage La Pasion, situé à Aire-sur-l’Adour. Avec au départ une trentaine de vaches de Cesar Chico d’encaste Santa Coloma et des sementales de Los Maños et Coquilla de Sanchez Arjona… Pour mémoire, son père Robert Piles fut un ganadero éphémère en s’associant avec Patrick Laugier en créant le fer de Piedras Rojas avec des bêtes du Marques de Domecq…

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