Noticias : entretien avec Fernando Adrian, le double triomphateur de Madrid

De l’ambition avec c’est l’idée de rester libre

Vieux Boucau-Fernando Adrian-1

Entretien réalisé par Thierry Ripoll (Toreria.net pour vuelta)

Jamais un matador de toros qui sort deux fois de suite par la Puerta Grande de Madrid n’avait été autant oublié dans les cartels qui les suivirent. Las Ventas c’est plutôt 30 ou 40 corridas d’assurées par retombées après y avoir triomphé. Pas pour Fernando Adrian dont personne s’en ai souvenu après ses deux sorties a hombros les 31 mai et 18 juin de cette année, la seconde lors de la Corrida de la Beneficencia en présence du Roi d’Espagne et en damant le pion à Sébastien Castella, le triomphateur de la San Isidro et à Emilio de Justo… C’est son nouvel apoderado Maximino Pérez, l’actuel gérant des arènes de Cuenca et d’Illescas, qui par le biais de postes de substitution, lui a permis d’entrer dans pas mal de cartel en août et septembre… Et à partir de là ce fut une succession ininterrompue de triomphes… 13 autres grandes portes d’affiler avec 38 orejas de plus, 4 rabos et un indulto… Il se verra attribuer le trophée Vestido de Luces Rioja y Oro l’un des plus reconnus et décerné chaque année au triomphateur de la Feria de la San Isidro.

Nous nous sommes entretenu avec lui….

-Tout d’abord toutes nos félicitations pour cette temporada : 15 corridas, 15 sorties en triomphe dont deux à Madrid. La 1ere à Valdetorres del Jarama le 30 avril, puis Anchuelo, Madrid le 31 mai, Madrid le 18 juin (Corrida de la Beneficencia), Arenas de San Pedro, Cuenca, Cuéllar, Palencia, San Martín de Valdeiglesias, Valladolid, Navalcarnero, Murcia, Guadalajara, Vieux-Boucau et Las Rozas

« J’ai pris chaque après-midi de ma saison comme si c’était la dernière. Couper des oreilles chaque jour était devenu une obligation intérieure, un passage obligé pour pouvoir mentalement passer à la suivante. Il n’y a pas d’autre secret pour sortir en triomphe tous les après-midi. « 

-J’ai lu que votre aficion à los toros viendrais plus spécialement de votre grand père paternel qui fut novillero et qu’avant d’entrer à l’école taurine d’El Juli, vous couriez les capéas dans les villages…

« Ma vocation de torero est née, comme pour tout le monde, grâce à mon grand-père. Lui et la tauromachie populaire m’ont donné cet élan particulier qui m’ont poussé à consacrer entièrement ma vie pour cette profession. « 

-Après la Fondation El Juli (Arganda del Rey), en 2011 vous débutez un excellent parcours de novillero, avec des sorties à hombros à Nîmes avec le trophée de la Cape d’Or, à Dax, Mont de Marsan, Barcelone en mars 2011 peu après vos débuts avec picadors, le prix du meilleur novillero à Sevilla.. Triomphateur à Algemesi (deux oreilles et queue), le Zapato de Oro à Arnedo… avec l’indulto d’un novillo de la ganaderia de Baltasar Ibán… Pas mal de paseillos et de triomphes en France… Que gardez vous de cette époque ?

« Je garde un souvenir particulier de toutes ces courses en tant que novillero. Mais s’il y a une arène qui m’a particulièrement marqué, c’est Séville. Mes débuts ont été liés à cette arène où j’ai vécu tant de sensations et où j’ai pu me connecter avec les aficionados. Maintenant, il me faut confirmer la deuxième partie de ma seconde vie de matador de toros : revenir la saison prochaine pour montrer un Fernando Adrián encore plus mûr. « 

-En juin 2013 El Juli vous confère l’alternative à Avila et là c’est le début d’un long bâche… Pendant huit ans vous allez très très peu toréer. Comment vit on moralement ces moments ? Dans le doute, dans l’espoir, avec des illusions déçues, avec la force qui permet d’y croire encore… Et comment progresser sans la pratique, des tentaderos, du toreo de salon ?

« L’une des motivations qui m’a fait sortir en triomphe chaque après-midi, cette année, c’était de penser comme si c’était la dernière de ma vie… De penser aussi à l’énorme frustration qu’il y a à ne pas toréer. J’ai pu continuer à croire à mon rêve grâce au soutien de mes proches, de mes amis, auxquels je serai toujours reconnaissant, et aussi par ma propre volonté de continuer, de ne pas abandonner le combat. C’est pourquoi, lorsque vous avez une opportunité comme celle du 28 mai en pleine San Isidro, vous ne devez absolument pas la laisser passer.  « 

-Et puis vint la Copa Chenel. Trois corridas triomphales. Quatre oreilles à Valdetorres de Jarama, trois à Valdemorillo dont deux à un toro de vuelta de Zacarias Moreno et trois aussi lors de la finale à Cadalso de los Vidrios avec des toros de José Vázquez et Adolfo Martín ce qui vous valut d’être déclaré triomphateur de cycle 2021… Comment avez-vous ressenti cette « résurrection » ?

« C’est exactement ce que je vous dis : c’est à ce moment-là que j’ai compris que je ne pouvais pas laisser les triomphes m’échapper. Chaque après-midi était pour moi le dernier de ma carrière, et c’est avec cette mentalité que j’ai enfilé mon costume de torero tous les jours. C’est ce qui m’a vraiment ramené à la vie, en pensant aussi à la façon dont  j’avais été mis aux oubliettes pendant tant d’années. « 

-Un prix qui vous a valut de confirmer votre alternative à Madrid en 2022 dans un grand cartel, avec José Maria Manzanares et Andrés Roca Rey, sauf que ce jour là, les toros furent absents… Mais derrière huit autres corridas vous attendez. Comment avez-vous vécu cette frustration de ne pouvoir exprimer ce que vous ressentiez devant ce public madrilène ?

« Je savais qu’à un moment ou à un autre, j’allais avoir une autre opportunité à Madrid. Je m’y suis préparé intérieurement, je m’y préparais comme si j’allais toréer le lendemain… et l’opportunité s’est présentée. « 

-Le 31 mai 2023, une seconde opportunité en pleine feria de la San Isidro à Las Ventas devant des toros de Santiago Domecq auxquels vous coupez deux oreilles. Que s’est il passé dans votre tête en sortant en triomphe des arènes de Madrid…

« J’étais calme et serein parce que je savais que je ne pouvais pas, ne devais pas échouer. A ce moment-là, mon sort était entre les mains des toros si l’on peut dire et heureusement, ils ont été là et du coup j’ai obtenu ce que j’avais toujours rêvé. « 

-Un triomphe qui vous fait entrer dans la corrida madrilène la plus couru, celle de la beneficencia, avec Emilio de Justo et Sebastián Castella le 17 juin… Et 15 jours après, une seconde puerta grande après avoir coupé deux oreilles à un toro de Juan Pedro Domecq. C’était un peu comme gagner le gros lot à la loterie nationale. Non !

« Ce toro de Juan Pedro Domecq avait une embestida unique. Cette humiliation, cette classe… m’ont permis de m’épanouir en tant que torero et surtout de me lâcher en toréant par naturelles, de la main gauche…. Ce furent dix minutes magiques. « 

-Sauf qu’une grande porte à Madrid, ça change la carrière d’un torero, deux vous pensez, 30 ou 40 corridas auraient du suivre mais pas pour vous. Certes beaucoup de cartels étaient bouclés mais quand même…. Et la feria de Otoño ? Comment avez-vous vécu cette injustice flagrante… ? Et comment vous vous l’expliquez ?

« Je peux seulement dire que les arènes de Madrid ne me sont pas fermées et que je reviendrai à Madrid comme le l’ai déjà dis, comme c’était le dernier jour de ma vie. Si Maximino Pérez, a décidé de devenir mon apoderado à la suite de ça, c’est bien sûr pour défendre ma carrière et valoriser ce que j’ai gagné devant les toros mais surtout par la confiance qu’il a en moi pour réussir la suite. « 

-Guère après, vous trouvez un accord avec un nouvel apoderado, Maximino Pérez, qui par le biais de postes de substitution, vous permet d’entrer dans pas mal de cartel en août et septembre… Et là c’est une succession ininterrompue de triomphes, dont un à Vieux Boucau pour votre présentation en France de matador de toros, un indulto à Palencia, « Finito » de Zacarías Moreno… Qu’est ce qui vous a motivé pour réussir cet incroyable parcours ?

« Ce qui me motive, c’est l’idée de rester libre, un homme, un torero libre, une liberté que l’on obtient en mettant sa vie en jeu à chaque fois. Je voulais depuis toujours frapper de grands coups, des moments très forts qui me permettraient d’atteindre cette liberté, et dès qu’ils m’en ont offert l’opportunité, comme vous avez pu le constater, les résultats de cette temporada parlent d’eux-mêmes. « 

-De tous ces grands moments de 2023, lequel vous a le plus marqué ?

« Bien que la corrida de Santiago Domecq a été spéciale parce qu’elle a marqué le début de ce qui allait devenir ma saison, mon second toro de Juan Pedro Domecq m’a particulièrement comblé lors de la Corrida de la Beneficencia. J’ai pu dessiner les naturelles dont j’avais toujours rêvé et que j’avais répétées des milliers de fois en toréant de salon et je pouvais enfin réaliser dans une arène, celle de Las Ventas à Madrid. « 

-Bien qu’on soit encore loin du traditionnel jour des Rois Mages, je pense que le téléphone s’est remis à sonner. Sans dévoiler quoi que ce soit, des arènes importantes d’Espagne et de France on du prendre des contacts, avancés même parfois. Et peut être aussi aux Amériques… Si c’est le cas, qu’est ce qui va changer dans la vie du maletillas de Torres de la Alameda ?

« Je veux être maxima figura del toreo, ce dont je rêve depuis mon enfance, faire partie des plus grands toreros, être une figura, ce que seule une grave blessure par un toro pourra m’empêcher. « 

Fernando Adrián Hernández Machicado “Fernando Adrián” est né à Madrid le 20 janvier 1992, mais a grandi à Torres de la Alameda, un pueblo de 8000 âmes à 50 kms à l’est de Madrid… De son grand-père, qui fut novillero, lui vint l’envie de devenir torero. Il court les encierros et les capéas des villages avant d’intégrer la Escuela Taurina de Arganda del Rey “Fundación El Juli”, qui le fera débuter en 2008 à Paracuellos del Jarama. Et le conduira jusqu’à ses débuts avec picadors le 11 mars 2011 à Olivenza, l’ouverture d’un important cycle novilleril, triomphant entre autre à Nîmes avec le trophée de la Cape d’Or, à Dax, Mont de Marsan, Barcelone, meilleur novillero à Sevilla, le Zapato de Oro à Arnedo… Apoderé par Simón Casas jusqu’à son alternative le 15 juin 2013 à Ávila avec El Juli pour parrain et Miguel Ángel Perera pour témoin… Et après ce furent 8 ans de galères sans pratiquement pas toréer, travaillant dans l’entreprise familiale tout en continuant à s’entraîner, à croire en son rêve…. Jusqu’à cette Copa Chenel de 2021… 

« Las Ventas ne me sera pas enlevée, j’y reviendrai et je me donnerai à Madrid comme si c’était le dernier jour de ma vie« .

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