Béziers : retour sur la féria. Final triomphal avec les toros de Margé et Pedraza

Et une novillada entretenue de Pagès Mailhan (Vidéos)

Béziers-Galdos-Margé-Escribano

Retour sur la féria de Béziers avec les photos et Reseñas de Patrick Colleoni http://torobravo.fr/ et les vidéos de Feria Tv  http://www.feria.tv/index.htm

Samedi 17 août : Triomphe de Manuel Escribano et de Joaquin Galdos face à deux Margé de vuelta.

Une course en deux parties, de celles qui font commencent mal et qui finalement évoluent a mas. Le doute de voir un bon spectacle s’est installé au terme de la première partie de cette corrida où les trois premiers pensionnaires des Monteilles ont affiché peu de caste, s’avérant mansotes et parados aux derniers. Vinrent ensuite le bon quatrième, primé de la vuelta, et surtout l’excellent sixième encore meilleur, lui aussi honoré de la vuelta posthume.

Manuel Escribano (silence et 2 oreilles) C’est par une larga cambiada afarolada a porta gayola que Manuel Escribano débuta son premier trasteo avant d’être désarmé sur la première véronique, le torero de Gerena reprenant ensuite la direction des opérations par cinq véroniques et demie. Un peu tardo face à la cavalerie, le bicho prendra cependant deux rations de fer avec plus de violence que de bravoure, la première en levant un peu le cheval, traserita la seconde. Manuel assura ensuite lui même le second tiers en clouant al sesgo por dentro, puis en poder a poder, la dernière paire à corne passée. Hélas au final le Margé se dégonfla après deux séries droitières, de correcte facture la première, enganchée la seconde du fait d’un animal qui derrotait en fin de passe. Les naturelles qui suivirent furent arrachées à l’unité avant que le cornu ne se réfugie près des tablas. Une lame enfoncée aux deux tiers, contraire, trasera et tendida, puis un descabello mirent fin à ce premier combat. Silence.
« Atlas » sorti en quatrième position vint heureusement nous redonner un moral perdu au terme du troisième combat. Reçu par une larga de rodillas a porta gayola et quelques véroniques, ce beau cinqueño prit ensuite deux rations de fer, poussant un peu sur le premier puyazo pompé, puis s’élançant de loin lors du suivant de moindre intensité. Banderillé en poder a poder (à corne passée), sesgo por fuera et violin al quiebro, le Margé s’avéra noble mais sans innocence dans la muleta d’Escribano dont la taleguilla fit les frais d’une bousculade sur les passes cambiadas d’ouverture, heureusement sans autre conséquence pour le garçon que de dévoiler une partie de son fessier. Bonne faena ambidextre du sévillan qui eut le mérite de réveiller l’assistance, laquelle se reprit à espérer. Final par manoletinas avant une entière delantera un poil latérale qui se révéla très vite concluante. Vuelta pour le bicho et deux oreilles pour Escribano, les deux récompenses peut-être un peu généreuses mais on ne boudera pas notre plaisir tant l’alegria des protagonistes réchauffa l’ambiance, morose jusque là.

Daniel Luque (vuelta et 1 oreille) Avec Daniel Luque, on évolue dans un autre registre, celui de la classe alliée à une belle technique. Ainsi accueillit-il son premier adversaire par esthétiques véroniques et larga (quel beau jeté de capote !) avant de le mener vers le picador de turno pour deux puyazos un peu en arrière. Brindée au public, la faena du second torero de Gerena débuta sur la corne gauche par des naturelles, d’abord sur le voyage puis progressivement plus engagées. Face à ce Margé qui avait besoin de prendre confiance, Luque sut trouver la bonne approche pour que le cornu se livre dans quelques séries droitières de correcte facture, un trasteo technique dont le fond échappa sûrement un peu aux néophytes présents sur les étagères mais qui fut apprécié par une bonne partie du public qui réclama une oreille après une lame en place rapide d’effet. Hélas l’oreille (règlementaire) du public ne fut pas accordée et la récompense se limita à une vuelta.
Le quinto, après une paire de véroniques, changea de terrain et ne permit guère plus à Daniel Luque. Une première pique traserita avec belle poussée en mettant les reins sur plus de dix mètres, puis une courte ration de fer mirent fin au premier tiers. Débutée par cinq passes hautes pieds rivés au sol, la seconde faena ambidextre du garçon fut tout aussi technique que la première face à un toro au parcours limité, toro qui avait peut-être trop donné au premier tiers. Final par luquecinas face à un astado arrêté, puis une entière en place faisant apparaître un mouchoir au palco, un mouchoir qui aurait été plus justifié lors d’un méritoire premier combat.

Joaquin Galdos (silence et 2 oreilles) Face au troisième, Joaquin Galdos fut pratiquement inédit. RAS au capote avant deux rations de fer en arrière, très trasera la première, puis une faena express, vite expédiée face à un Margé de peu de charge finissant parado. Entière caida au second assaut, rapide d’effet, et silence pour le jeune péruvien.
Le sixième, « Eos », fut assurément le toro de la tarde, un animal brave et noble avec en plus le bonus de la classe. Après quelques véroniques et une media, Galdos le présenta face à l’uhlan de service pour deux piques prises en poussant avec fijeza, trasera la première, latérale et pompée la seconde. Bien doublé genou fléchi, le dernier Margé de la tarde fut ensuite convié à une faena ambidextre bien construite mais en-dessous des qualités affichées par le bicho, un animal que j’aurais bien aimé voir dans les mains de Daniel Luque. Le péruvien eut le mérite de ne pas laisser passer cet excellent adversaire qui fut occis d’une lame en place. Vuelta justifiée pour « Eos » et deux oreilles pour Galdos.

Une course intéressante des pupilles de Robert et Olivier Margé, principalement dans sa seconde partie, et qui nous fit quitter les lieux sur une bonne impression. Ce n’est pas toujours le cas !

Dimanche 18 août matin : novillada entretenue de Pagès Mailhan

Avant-dernier spectacle de la Feria d’Août de Béziers avec des utreros de Pagès-Mailhan qui ont donné du jeu et permis aux trois novilleros de s’exprimer. Carlos Olsina triomphe en coupant trois oreilles grâce à un toreo posé et efficace. Le garçon semble en progrès constants, appliquant un toreo posé, réfléchi et bien construit. Si Charles était un peu passé à côté d’un bon novillo à Istres, il n’a pas reproduit la même erreur sur ses terres et a su saisir l’occasion de briller face à deux novillos de bonnes dispositions auxquels il coupe trois oreilles méritées, s’adjugeant au passale le Tastevin d’Argent mis en compétition. Enhorabuena !

Carlos Olsina (2 oreilles et 1 oreille) Le premier utrero fut un peu long à se fixer dans l’étoffe, un comportement que l’on retrouva chez ses frères du jour. Tous se décomposèrent à des degrés divers au final et lorgnèrent vers les tablas, la longueur de certaines faenas n’y étant pas étrangère également. Quelques véroniques, certaines genou fléchi, précédèrent deux rations de fer d’intensité décroissante. Débutée de rodillas au centre par une passe cambiada, la faena s’étoffa par quelques derechazos avant une petite voltereta sans conséquences, le bicho passant la corne sous le genou du jeune biterrois pour l’expédier dans les airs.  La suite fut de bon son sur les deux bords, le Pagès-Mailhan affichant une belle noblesse et permettant à Charles de jolis enchainements. Final par bernadinas avant entière caidita concluante. Deux oreilles.
Quelques bonnes véroniques, certaines genou joliment fléchi, saluèrent la venue du quatrième. Suivirent deux rencontres mesurées avec la cavalerie avant une seconde faena ambidextre, débutée de rodillas, où Carlos dut s’appliquer à garder dans sa muleta un bicho qui cherchait l’abri des tablas. De bonnes séries sur les deux mains malgré le comportement défensif d’un utrero qui jouait du couvre-chef dès qu’on le sortait de sa querencia. C’est donc là que Charles dut lui voler les derniers muletazos avant de l’occire d’une lame caidita vite concluante. Une oreille vint récompenser son méritoire labeur.

Diego San Roman (ovation après avis et 1 oreille) eut à faire face lui aussi à un novillo abanto de salida qu’il finit par fixer par quelques bonnes véroniques et demies. Après deux piques sans histoires, il brinda à Tomas Cerqueira une première faena inégale, débutée par doblones un genou à terre, et qui fut un peu contrariée par des derrotes en fin de passe. Le garçon parvint par moments à lier ses muletazos en terrain réduit avant de se lancer dans un final encimista, l’ensemble résultant un peu long et finissant par décomposer le cornu. Entière un peu latérale au troisième assaut. Salut.
La réception du quinto se fit par véroniques de qualité décroissante avant deux rations de fer prises en poussant un peu, la seconde plus light. Au quite par zapopinas de Rafi , le jeune mexicain répondit par quelques gaoneras et une brionesa avant de se lancer dans une seconde faena, débutée par derechazos de rodillas, et contrariée par le comportement d’un utrero qui partait vers les tablas. Première partie volontaire mais inégale avant des derechazos brouillons près des planches. Conclusion par entière delantera et caida qui n’empêcha pas l’octroi d’une oreille (généreuse vu le point d’impact de la rapière).

El Rafi (vuelta après avis et silence après avis) aurait pu, comme Charles, voir s’ouvrir la Grande Porte, mais l’épée lui en barra le chemin. Face au bon troisième, il dessina quelques véroniques et demie de bon niveau, confiant ensuite son adversaire aux bons soins de Mathias Forestier pour deux rations de fer bien administrées. Débutée par statuaires et passe cambiada opportune, la première faena du nîmois connut de bonnes séquences ambidextres, Raphaël toréant avec temple et courant bien la main. Après les luquecinas finales, il tenta une mise à mort a recibir, mais hélas pour lui il pincha au premier assaut et laissa une lame contraire atravesada perçante au second. Vuelta posthume pour le novillo et même tarif pour le garçon.
Après quelques véroniques, puis deux piques (traseras la 2°), Marco Leal signa deux belles poses de bâtonnets  qui auraient dû lui permettre de saluer. Il fut applaudi sans se découvrir. Muleta en mains, Rafi se lança dans sa seconde faena avec une volonté évidente de refaire le chemin perdu. Mais s’il fut dominateur, il fut aussi un peu électrique dans son toreo qui aurait gagné à plus de douceur. Quelques séries ambidextres de correcte facture précédèrent une nouvelle tentative infructueuse de mise à mort a recibir. C’est d’une demi-lame delantera et très latérale qu’il mit fin à sa seconde prestation. Silence.

Carlos Olsina, logique triomphateur de cette matinale, reçut le Tastevin d’Argent de l’Union Taurine Biterroise pour la seconde fois (1ère en 2017). Il quitta ensuite les arènes du Plateau de Valras a hombros au côté de Pierre Mailhan.

Dimanche 18 août tarde : triomphe de Juan Leal et Pedraza de Yeltes

La dernière corrida de la Feria 2019 de Béziers a vu passer un superbe encierro de Pedraza de Yeltes, des toros comme on aimerait en voir plus souvent de nos jours.
Carrosserie et moteur étaient au rendez- vous pour une après-midi intense où on ne s’ennuya jamais. Le mano a mano entre Octavio Chacon et Juan Leal a tenu ses promesses avec une opposition de style, le premier un guerrier forgé à la dure école des corridas de pueblo de la Vallée du Tiétar, le second jeune coq qui revendique une place en affrontant toute sorte de cornus, souvent issus des ganaderias que bien d’autres prennent grand soin d’éviter. Bref, deux gladiateurs, confrontés dans l’arène à des fauves de Pedraza de Yeltes lourds (de 585 à 640 kg) et armés à faire peur, et qui ont relevé le défi avec panache.
Avec Chacon, on eut droit à un toreo mesuré, appliqué, classique et efficace, un toreo stratégique visant à la domination et quelquefois à la sauvegarde physique. Avec Leal, c’est tout autre chose, une tauromachie au feeling, qui peut tout aussi bien puiser ses sources dans le toreo classique que dans le baroque, une tauromachie imprévisible qui part souvent dans tous les sens. Le vieux sage contre le chien fou ! Pour l’un comme pour l’autre, ça fonctionne, même si pour Chacon la temporada est assez inégale en la matière. Peut-être l’usure des durs combats menés jusqu’alors commence-t-elle à se faire sentir ?

Octavio Chacon (vuelta après avis, vuelta et 1 oreille après avis) Bien capté par le capote autoritaire d’Octavio Chacon, le premier Pedraza partit de loin pour une première rencontre doublée à l’identique et déclenchant la musique, Tito Sandoval sortant sous l’ovation pour ce premier tiers savamment mené. Muleta en mains, pour aguanter la noblesse brute, le gaditano a des arguments, telles ces trois séries de derechazos puissants montrant au fauve qui est le maître. A gauche ça passe, mais avec plus de réticence, même si les naturelles sont techniquement abouties. Le retour à droite, tout aussi puissant, s’achève par une série de manoletinas. Et sur les gradins fusent les premières demandes d’indulto, mais Chacon n’y croit pas et les choses en restent là. Y avait-il matière à indulto ? Pour cela il aurait peut-être fallu présenter le toro au cheval une fois de plus, puis prolonger un peu la faena. Ne pas confondre comme on le fait trop souvent de nos jours un bon toro et un toro « indultable ». Et donc une conclusion par une demi-lame complétée par l’usage du descabello. Vuelta pour les deux opposants.
Quelques véroniques isolées saluèrent l’entrée du troisième qui renversa le cheval lors de la première rencontre, le picador continuant sa besogne malgré le cheval au sol. Le second puyazo fut administré en carioca. Quite de Juan Leal par saltilleras et revolera suivi d’une réponse de Chacon par tafalleras et demie. Brindée aux étagères, la seconde faena ambidextre de Chacon fut de moindre intensité, le Pedraza y déployant moins de fond et se serrant sur le piéton au final. Une entière delantera et caida mit fin à la vie publique de « Renacuero ». Vuelta.
RAS au capote face au quinto qui prit une correcte ration de fer en poussant la monture avant de revenir dans le peto pour un picotazo. Brindée à Robert Margé, la troisième faena du gaditano, débutée sur la corne droite en donnant du champ au bicho, fut de bonne facture, le garçon alternant les deux bords avant de réduire la distance pour des séries ambidextres remarquables de maîtrise. Entière delantera pour la conclusion et oreille au mérite, un mérite affiché tout au long de la tarde.

Juan Leal (ovation, 1 oreille après avis et 2 oreilles) Le premier adversaire de Juan Leal, un camion de 640 kg, commença par couper le terrain. L’arlésien, un peu débordé d’entrée de jeu, prit les extérieurs pour ne pas se faire enfermer, et gagna le centre. La première rencontre fut longue et violente, et à la seconde le picador apeuré abandonna la monture à son sort sous les sifflets du public. Fort heureusement les monosabios veillaient au grain et tout rentra dans l’ordre (à noter que chevaux et personnels furent professionnels, chacun dans son rôle). Remis en selle, le lancier sortit sous la bronca. Débutant par une passe cambiada, l’arlésien fut obligé de rompre avant de revenir au combat, aguantant ensuite les charges sournoises d’un bicho cherchant l’homme derrière le leurre. Impossible à droite, Juan Leal parvient à lui voler quelques naturelles de bonne facture et des circulaires inversées avant de s’en défaire d’une lame horizontale et latérale portée en s’engageant. Salut.
Après quelques véroniques au tracé approximatif, puis une pique prise en cabeceant, le quatrième Pedraza revint dans le matelas sans y subir de châtiment. Brindée au public, la seconde faena du français débute par un désarmé alors que le garçon à genou au centre esquissait un derechazo. Peu importe, Juan poursuivit par une passe cambiada de rodillas qui sera suivi de conq derechazos et d’un pecho toujours dans la même position.Suivront deux séries sur la main droite en courant la main, compas ouvert. Le passage à gauche sera moins abouti et donc réduit à sa plus simple expression. Retour à droite mais en version brouillon avec un final encimista torchonné. Les bernadinas finales rattrapent un peu le coup et l’engagement à l’épée fait le reste. La fougue et le courage déployés vaudront une oreille que le public aurait voulu doublée, une pétition que le palco refusa de valider. Bronca à l’autorité et deux vueltas.
RAS au capote face au dernier toro de la feria qui poussera ensuite sur deux piques. Brindée au chanteur du désormais traditionnel « Se Canto » entonné à la fin du cinquième toro, la dernière faena de Juan Leal, débutée sur la main droite, fut d’inégale intensité, avant passage à gauche de moindre valeur, l’ensemble s’affichant plus tremendista qu’artistique mais portant sur le public. Le frisson finit par payer, malgré un chapelet de circulaires inversées pas toujours du meilleur goût. Entière delantera et caida en se jetant une nouvelle fois sur le bicho et tombent les deux oreilles convoitées. On aime, ou pas (personnellement ce n’est pas ma tasse de thé) mais ça porte indiscutablement sur le public. Vuelta avec José Ignacio Sanchez, représentant de la ganaderia.

Puerta Grande pour Juan Leal qui a su faire passer l’émotion dans les gradins et s’achever la Feria sur une bonne note. On y associera le grand lot de Pedraza. Si ça peut inciter les gens à revenir, c’est déjà ça de gagné !

Prix au meilleur picador (Peña Emilio Oliva) pour Tito Sandoval.

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