Reportage campo : une année compliquée pour la ganaderia d’Alma Serena

Avec le décès de Pierre Bats à l’automne dernier

Campo-Alma Serena

Reportage et entretien : Thierry Rippol (toreria.net pour vuelta)

Cauna est un petit village de Chalosse dans les Landes dans de 450 habitants célèbre aux aficionados pour deux entités…. C’est là qu’est installé Richard Milian avec son école taurine sur une vingtaine d’hectares, une sorte de petit paradis, ou il a construit ses arènes d’entrainement. Et une ganaderia de toros bravos, Alma Serena sise « au Monge » créée en 1998 par deux frères agriculteurs, producteurs de maïs, Philippe et Pierre Bats, tous deux l’âme sereine….

Ils ont, pour débuter, acheté 35 vaches et étalon dans le Berry avec l’aide de Roland Durand et ses liens avec les frères Peralta qui possédaient la ganaderia Viento Verde d’encaste Murube. Elevage qui passait l’été à La Seigneurie, sur la commune de Vicq-Exemplet dans l’Indre.

Les premiers erales sont combattus en 2001 à Aire sur l’Adour. Mais lors de ces trois premières années les Alma Serena sortent compliqués avec un piquant peu propice aux non piquées. En 2004 dix vaches et un semental arrivent de chez Pepe Murube et grâce à ce rafraichissement les becerros gagnent en régularité et en toreabilité. Mais l’épidémie de la langue bleue va rendre impossible la poursuite cet apport génétique. Ils font donc le bilan de cette expérience et décident en 2010 d’éliminer l’encaste Murube. En 2008 Roland Durand met les deux frères en contact avec les propriétaires de la ganaderia Miranda de Pericalvo qui leur cèdent des vaches et des étalons pour un nouveau départ… Grace à leur nouvelles origines en 2010 et 2011, ils remportent le prix du meilleur lot des non piqués de Bayonne et deux fois le prix des chroniqueurs taurins du Sud-ouest et deux fois celui des l’Union des Clubs Taurins Paul Ricard. En 2019 ils remporteront à nouveau ces deux dernières récompenses mais après l’apport en 2013 d’une vingtaine de vaches et d’un reproducteur de chez Luis Algarra… en 2015, 2017 et 2018 d’etalons de chez Garcigrande.

Cette belle aventure est marquée par le décès brutal en septembre dernier de Pierre d’une rupture d’anévrisme à l’âge de 55 ans, un garçon discret, très connu du mundillo et très apprécié, qui s’était lancé également avec son frère dans le transport des toros pour le sud ouest. De son refuge céleste il veille encore sur la ganaderia, ses 200 bêtes qui se partage la centaine d’hectares du Monge… 75 vaches de ventre divisées en trois lots, deux de Miranda et un d’Algarra convoités par les quatre etalons de Garcigrande…

Rencontre avec Philippe Bats.

-Quand, pourquoi et comment, on se lance dans l’aventure de l’élevage du toro de combat ?

Nous avions 35 et 34 ans, Pierre et moi et comme nous étions natifs de Maylis en Chalosse, ou chaque village possède une arène, nous étions fascinés par cet animal sauvage. A la toute fin du siècle dernier nous avons ajouté l’élevage du toro bravo à notre exploitation agricole.

-Un élevage qui naquit avec votre regretté frère, Pierre et un copain d’enfance Serge Tauzin les premières années…. Mais aujourd’hui après la brutale disparition de votre frère, comment est organisée la ganaderia ?

Il était l’ange gardien de la ganaderia, laissant un grand vide… Avec l’aide de Bernard dit « Tonton », un aficionado d’Hagetmau qui est là tous les jours et nos enfants, les trois de Pierre et les trois miens, on va essayer de poursuivre l’aventure dans son esprit… Et puis il y a les amis, les copains qui répondent toujours présents quand il y a des travaux à la ganaderia, qu’il s’agisse de l’entretien ou des soins aux bêtes… Sans eux….on n’y arriverait pas…

-Comment vous projetez dans l’avenir avec votre élevage (En faisant abstraction du problème du Corovirus) ?

Au départ avec mon frère nous avions considéré que créer une ganaderia de toros de combat dans les Landes ne pouvait se faire que par passion… Mais cette passion avait un coût et pour pouvoir durer et continuer il fallait qu’on minimise au maximum les pertes, c’est dans cet esprit que je poursuis notre passion commune.

-En 2018 1er novillo piqué à Orthez…

Nous avions prévu des le départ de prendre notre temps avant de passer à un échelon supérieur. De plus il nous fallait nous adapter à l’introduction des Garcigrande..

-Le festival de Mont de Marsan le 1er mars avec un novillo de vuelta, mais d’après les commentaires, une excellente noblesse avec 5 oreilles coupées à trois novillos, mais une certaine mansedumbre. D’où cela vient il ?

On a en effet constaté ce problème de bravoure au cheval. L’un après le tercio de piques, l’autre lors du dit tercio. Pourquoi ? Nous essayons d’analyser et de rechercher les causes, les étalons étant différents… C’est le cote passionnant de l’élevage. Ce qui peut nous satisfaire lors des tercios suivants, c’était la mobilité, l’engagement avec de la race durant la faena… beaucoup d’émotion que j’aurais aimé partager avec Pierre.

-Présentation en piquée à Arles en 2020… et dans le Sud-Est mais le Covid 19 en a décidé autrement…. Quelle réaction à ce coup du sort ?

Beaucoup de regret pour nous tous. Nous aurions aimé faire le déplacement pour voir notre novillo « Recuerdo » N°43 que Pierre avait choisi avec Jean-Baptiste Jalabert.

-Aujourd’hui tout est à l’arrêt. Coté taurin, plus d’arènes jusqu’à nouvel ordre, plus de fiestas camperas….

La saison 2020 s’annonce compliquée pour les sorties en public. Par contre on espère qu’au plus tôt on puisse organiser des tentaderos à la maison, retrouver les copains, les amis. Pour etre franc, on s’ennuie sans ces moments de partage et de discussions…

-Y a-t-il un torero de la maison ?

Les tentaderos se font suivant les opportunités. L’an passé on les a fait avec Juan Bautista, Thomas Dufau,Clemente, Dorian Canton, Sébastien Castella et les novilleros de la région. Les élèves de l’Ecole Taurine Adour Aficion de Richard Milian y sont chaque fois invités et cela depuis nos débuts…

-Que faire des lots, dont ceux prêts à être lidier ?

Pour nos erales on va attendre jusqu’à la fin de l’année pour prendre une décision. Pour 2020 nous avons une camada courte de 14 becerros qui devaient aller à Mugron, Mont de Marsan pour la concours, Hagetmau et Rion plus le novillo retenu pour Arles.

-Y a-t-il des aides qui ont été évoqué concernant l’élevage du toro de combat dans votre région ?

Une initiative de soutien aux Toros de France a été mise en place par un groupe d’aficionados pour venir en aide aux éleveurs… A ce jour, ici, tout se met en place pour obtenir une dérogation de fauche sur les parcelles en jachère. Sur le département des Landes nous ne sommes que quatre éleveurs de toros bravos. Serons-nous associés aux douze ganaderos de Course Landaise ?

Mais on espère surtout qu’en 2021 l’activité économique repartira normalement et que les petites arènes et leurs organisateurs, tous pleins d’aficion, retrouveront les forces et les budgets pour reprogrammer des spectacles taurins….

On l’espère tous et surtout que vous y soyez convier…

Pierre Bats-Alma Serena

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