Entretien avec Mario Vilau : l’aficion en Cataluña réapparaît au grand jour

Rencontre avec le novillero catalan

Mario Vilau-entretien

Entretien réalisé par Thierry Ripoll (Toreria.net pour vuelta)

Rencontre avec le novillero catalan après une temporada exceptionnelle, une temporada terminée en apothéose en étant déclaré triomphateur du Circuito Nacional de Novilladas lors de la grande finale qui s’est déroulée dernièrement à Sanlúcar de Barrameda et où il a coupé les trophées maximums à son novillo de Fuente Ymbro…

Mario Vilau est né il y a 18 ans à l’Hospitalet de Llobregat, élève de ce véritable miracle qu’est l’Ecole Taurine de Catalunya, dirigée par le matador catalan Enrique Guillén, sans aucune aide ni subvention. Et malgré toutes les difficultés rencontrées, il est parvenu à s’imposer dans toutes les arènes d’Espagne pour sa 1ere année complète de novillero. Avant ça, il a remporté le Premio de Investigación sobre Estudios Taurinos 2023, organisé par la Fédération des entités taurines de Catalogne, l’Association espagnole des éleveurs de toros de lidia et la Fondation du toro de combat. Il a fait ses débuts en public le 27 septembre 2022 à Albacete et, dès 2023, il a toréé dans des arènes prestigieuses comme celles de Malaga, Arles, Béziers, Algemesí ou Jaén, avant de débuter avec des picadors en septembre 2024 par un triomphe à Mejorada del Campo, des débuts en piquée dix ans après Abel Robles le dernier novillero catalan à l’avoir fait.

-Tout d’abord, par qui vous est venu l’idée de devenir torero ? Ou comment cela s’est fait ? Et surtout dans une ville et ses environs, hostile à la tauromachie.

« Je l’ai décidé tout seul, je ne viens pas d’un milieu taurin ni de rien qui s’en rapproche, chez moi, on n’a jamais pratiqué la tauromachie, c’est dans le village de Cortes de Arenoso, où l’on joue avec les toros dans la rue pendant la fête, que ma curiosité s’est éveillée, puis chez moi à Barcelone, grâce aux chaînes régionales qui télévisent des corridas en direct, que j’ai vraiment ressenti cette flamme qui m’a mené à la tauromachie. « 

En fait d’après la légende, sa passion remonterait avant même sa venue au monde. Au mois d’août, peu avant sa naissance, sa mère, alors enceinte, s’était rendue dans son village pour voir le toro embolat… Elle s’apprêtait à sortir de la maison avec son ventre de femme enceinte, là où elle s’était réfugiée, quand elle s’est retrouvée nez à nez avec le toro et depuis elle croit que c’est ce qui a déclenché cette passion extrême de son fils pour les toros.

Peu après Mario Vilau a découvert l’existence de la Escuela Taurina de Cataluña, à cinq rues de chez lui au campo municipal del Gornal ou il entra le 2 février 2021. Un an plus tard il tuera son 1er becerro à la finca “Valtaja” en Guadalajara.

-Comment avez-vous découvert l’existence d’une école taurine à Barcelone et comment vos parents ont réagi à cette idée ?

« C’est lors d’une visite à la ganaderia de Don Andrés Moreno à Gérone que j’ai rencontré Enrique Guillén, mon actuel apoderado et directeur de l’école taurine. Mes parents ne l’ont pas très bien pris, ils pensaient que cela me passerait vite et que ce n’était qu’un jeu, mais petit à petit, ils ont cédé jusqu’à aujourd’hui où ils me soutiennent pleinement. « 

-Au quotidien comment se passent, où se passaient les entraînements avec les quelques autres élèves de l’école et avec Enrique ?

« Ils représentent tout pour moi. Sans l’école taurine, je ne sais pas si j’aurais eu la chance de vivre tout ce que je vis aujourd’hui. Nous connaissons tous les difficultés qu’il y a en Catalogne pour devenir torero, mais loin de voir cela comme un problème, nous le considérons comme une manière différente de se préparer, en nous concentrant à 100 % sur notre profession. Nous nous battons en poursuivant notre chemin sans dévier. « 

-Aujourd’hui, après une première temporada en novillada piquée, vous êtes devenu un symbole pour la liberté de notre culture taurine en Catalogne. Comment le vivez-vous ?

« Je suis très heureux à l’idée de redonner la parole à tous ces aficionados qui ont été maltraités par la politique. Je me sens aussi humblement privilégié de pouvoir devenir le fil conducteur de leur aficion. « 

Cette année les arènes de Céret l’avait programmé face aux novillos de Quintas, le novillero catalan ira fois à porta gayola, coupera deux oreilles avec en prime deux cornadas et sortira à hombros, une grande porte qui coïncidait avec le 10eme anniversaire de l’alternative de Jesús Fernández*, le dernier matador catalan a l’avoir prise. Il y sera répété cette année pour un encerrona de quatre novillos….

* Jesús Fernández, né à Viladecans (Barcelona), prit l’alternative à Las Navas del Marqués le 12 juillet 2015.

-Votre triomphe à Céret, l’arène catalane de référence aujourd’hui, vous a projeté dans cette symbolique… Mais comment cela est ressenti dans les autres arènes d’Espagne ?

« Céret a été le flash, l’élément déclencheur de ma carrière, je leur en serai toujours reconnaissant pour l’opportunité qu’ils m’ont donné cette année étant un novillero avec si peu de bagages. Ils m’ont fait confiance et cela je ne pourrais pas l’oublier. Dans les autres plazas de toros d’Espagne, les signes de respect et d’affection ont été très forts et vous vous rendez compte de la grandeur que véhicule la tauromachie. Les aficionados sont tous solidaires avec la situation difficile que nous vivons en Cataluña et me respectent énormément. « 

Mario Vilau fut le vainqueur du Circuito de Novilladas de Valencia en coupant quatre oreilles, ce qui lui ouvrit la porte de Sanlucar pour la finale. Auparavant le novillero catalán avait coupé quatre oreilles à Iscar et triomphateur de la Feria, trois à Algemesí, à La Peza (Granada), impactant à Calasparra, à Béziers avec sa 1ere oreille en arènes de 1ere catégorie, les trophées maximums à Siles (Jaén)… Quinze novilladas, 35 oreilles et une queue. Et trois cornadas Aguascalientes au Mexique, Céret et Navacerrada

-Une temporada marqués par de nombreux triomphes mais aussi plusieurs blessures. Quels sont les meilleurs souvenirs que vous allez en garder ?

« J’ai reçu trois cornadas et fait beaucoup de volteretas, mais je sais que c’est le prix à payer si l’on veut devenir quelqu’un dans cette profession et je suis fier d’avoir pu surmonter cela tout à fait normalement. Mais pour moi, le meilleur souvenir que je garde, c’est de savoir que tout ce que j’ai fait m’aide à progresser en tant que torero et que c’est déjà une belle récompense. Le pire bien sûr, ce sont les trois novilladas que j’ai perdues à cause des blessures, mais bon !!! « 

-Comment définissez-vous votre toreo ? Y a-t-il un torero qui inspire votre façon de toréer ?

« Cela peut paraître cliché, mais j’essaie d’apprendre de tous ceux qui s’habillent en toreros, car ils ont tous quelque chose à vous apporter. J’essaie de toréer comme je le ressens, et si cela ressemble à la façon d’un autre torero, c’est n’est qu’une coïncidence car je ne cherche pas à ressembler à quelqu’un. J’aime toréer en longueur et faire aller mes faenas à mas tout en toréant par le bas, et surtout, j’aime que les novillos passent tout près de moi car c’est là que je prends le plus de plaisir. « 

-Le tout rematé par un important triomphe à Sanlucar pour la grande finale du Circuit des novilladas… Et devant les caméras de télévision. Comment avez-vous vécu ce moment si important pour votre toute jeune carrière ?

« C’était en fait ce pourquoi nous travaillons toute l’année, il est apparu plus spécial parce que vous l’avez vu au travers de cette finale, et à la télévision, un final avec beaucoup d’aficionados, de taurinos présents et grâce à la Fondation. Mais pour moi c’est seulement le début de ce que je veux devenir dans le monde des toros. Je souhaite bien sûr vivre de nombreux après-midi comme celle de Sanlucar. « 

-Et qu’attendez-vous de la temporada 2026 ?

« Continuer à avancer dans ma tauromachie et faire plaisir aux aficionados, nous le leur devons car sans eux il n’y aurait pas de corridas et j’espère pouvoir continuer à donner du plaisir, de l’émotion à tous ceux qui payent pour me voir toréer. « 

Les commentaires sont fermés.