Reportage campo : rencontre avec Michel Gallon, livre généalogique de leur ganaderia

Avec la crise, cela peut vite devenir une catastrophe

Campo-Gallon

Reportage : Thierry Rippol (Toreria.net pour vuelta)

Avant d’évoquer les graves problèmes actuels, j’aimerais faire un petit tour sur ton élevage en 2020….

En premier il nous faut limiter le nombre de mères à 90 tout en conservant le caractère de l’élevage en essayant d’améliorer la période de croissance des bêtes.

Depuis la disparition d’Aimé, ce sont ses deux fils qui gèrent l’élevage. Jean-Pierre est plus ciblé sur les « limousines », Michel sur les toros bravos…. Pourquoi cet équilibre ? Thomas et Paul sont les successeurs tout désignés mais comment ils pensent s’organiser ?

Chacun a son élevage de bêtes à viande en plus de la ganaderia, mais nous nous retrouvons toute la famille et quelques amis passionnés et fidèles pour les opérations de prophylaxie, de traitement et marquages. Pour les tientas nous sommes, en général du même avis.  Thomas et Paul sont passionnés et impliqués dans l’élevage des braves, des Aubracs et la culture du foin. C’est une réelle satisfaction pour moi et je pense qu’Aimé et Belou doivent être heureux là haut car la manade et le mas, c’étaient leur vie, notre vie. Pour la suite, il faudra voir comment la situation évoluera, l’élevage de toros demande 200% d’aficion mais ils savaient déjà que c’était très compliqué, certainement qu’il faudra qu’on s’adapte aux attentes des aficionados.

Luc Jalabert disait : « Le meilleur élevage qu’on a en France, c’est celui de Gallon »… Combien de corridas de toros lidiées depuis l’arrivée des « Sampedro Hermanos » ? Combien de toros importants, combien d’indulto ?

Concernant ce que disait Luc, qui restera un ami de toujours, un des grands professionnels, c’est un grand honneur, il appréciait notre élevage et Jean Baptiste a tué beaucoup de nos toros. J’aurais aimé qu’il vive avec nous cette corrida flamenca des Saintes en 2018 inoubliable  mais sincèrement, je crois que tous les élevages français ont bien progressé, chacun avec son style. Pour moi ce qui est important c’est d’élever le genre de toro que tu aimes.

Nous avons lidié 18 corridas depuis 2005 avec 3 indultos : »Odalisco » à Iniesta en 2015 par Morenito de Aranda, « Opulento » à Mauguio en 2018 par Javier Conde, « Destocado » aux Saintes Maries de la mer en 2019 par Sébastien Castella, sans oublier les toros :  « Despierto » lidié à Saint Martin de Crau en 2015 par Morenito de Aranda  ; « Destinado » lidié à Navalcan en 2016 par César Jiménez (2 oreilles, pétition d’indulto et vuelta al ruedo) et  » Primo » aux Saintes Maries de la mer en 2018 pour Juan Bautista à la corrida flamenca (2 oreilles et la queue, vuelta al ruedo) qui resteront de grandes satisfactions, souvent partagées avec mes confrères français. Il y a aussi des grandes faenas de Medhi, Thomas Joubert, Thomas Dufau, Roman Perez et bien d’autres.

Et même un en Espagne, le 1er toro français à l’être…. Retour sur cette grâce et sur ces lots combattus tras los montes, grâce à César Jiménez, si je me trompe pas…

L’origine de cet épisode espagnol est à chercher, en effet, du côté de César Jiménez. « Il y a six ou sept ans, il nous a demandé quatre vaches à tienter. Il avait déjà toréé nos toros en France. La tienta s’est bien passée et il nous a demandé un lot pour Iniesta, en 2015. »

Les arènes de la ville de la province de Cuenca, avait au cartel, Morenito de Aranda, César Jiménez et Francisco José Espada. « Ce 29 aout 2015, nos toros avaient laissé 7 oreilles et Odalisco, le second toro de Morenito de Aranda, deviendra le premier toro issu d’un élevage français à être gracié en Espagne ».

Naturellement, les Gallon ont repris la route d’Iniesta en 2016 et ils se laisseront couper 6 oreilles par Morenito de Aranda, Gines Marin et Joaquin Galdos qui lui en coupera deux à un sobrero de Patrick Laugier. En 2017 les pensionnaires du Mas d’Icard ont été  lidiés à Piedralaves (6 oreilles), à Arenas de San Pedro (8 oreilles) et à Tomelloso (8 oreilles et un rabo).

Les Gallon sont torées par de grand nom de la toreria…. Et qui en a triomphé ?

Jean-Baptiste, Sébastien mais aussi César Jiménez, Morenito de Aranda, Javier Conde, les rejoneadors Pablo Hermoso de Mendoza, Andy Cartagena Manuel Díaz “El Cordobés”, Alberto López Simón et bien d’autre que j’oubli… tous les toreros français que j’ai cité précédemment…

Personne ne conteste la qualité des toros des Frères Gallon, Leur tendon d’Achille semble être un certain manque de forces…. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Depuis quelques années nous avons changé l’alimentation des toros, les résultats au point de vue force sont encourageants (je le dis à voix basse car rien n’est jamais acquis … ) Il faut continuer à bien soigner les bêtes dès le plus jeune âge, déparasiter le plus souvent possible, pas trop charger le pays et dans les tientas être très vigilant.

Aujourd’hui tout est à l’arrêt. Coté taurin, plus d’arènes jusqu’à nouvel ordre, plus de fiestas, de faenas camperas, je pense aux tentaderos en particulier….

Maintenant on ne sait pas où on va avec ce maudit virus, cette année on risque de ne pas vendre les toros, c’est très inquiétant,  car tous les jours il faut leur apporter 300 kg de pienso et 2 tonnes de foin pour les nourrir (sans parler du reste des charges !) C’est démoralisant, car nous étions déjà en crise, cela peut vite devenir une catastrophe … Maintenant, il ne faut pas oublier d’où on vient, il faut tenir bon.

Un petit bol d’air avec les aides qui ont été évoqué par le Conseil Régional PACA concernant l’élevage du toro de combat ?….

Pour l’instant, on entend parler d’aide de la région, en attendant un groupe d’aficionados lance une collecte pour l’ensemble des éleveurs français, et puis il y a tous les appels téléphoniques pour prendre des nouvelles et ça fait chaud au cœur, c’est vraiment très gentil, car tout le monde est impacté et surtout il faut avoir une pensée pour toutes ces personnes qui font face à ce virus pour sauver des vies, ils méritent une grande ovacion….

Avec le deconfinement, le bout du tunnel semble poindre à l’horizon, surtout du coté des faenas camperas…. Un jour les arènes se rouvriront et la vie reprendra normalement ou presque pour ceux qui ont sacrifié leur vie pour leur passion, le toro de combat…. En espérant qu’ils soient encore là tous sur la ligne de départ.

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