Reportage campo : rencontre avec Jérôme Bonnet, ganadero du Lartet

« Difficile d’envisager l’avenir pour le milieu taurin »

Campo-Le Lartet Novillos

Reportage : Thierry Rippol (Toreria.net pour vuelta)

Des terres du Lartet à Peyrusse-Grande dans le Gers, un novillo attendait de faire un voyage à Arles pour Pâques…. J. Bonnet et sa ganaderia du Lartet comptaient bien refaire le coup de 2019, celui réussit par « Purpanito » qui pour la présentation de l’élevage dans le Sud-est à gagné le prix du meilleur novillo et fut primé d’un tour de piste posthume….. Hélas le Covid19 en a décidé autrement…..

Tout à commencé en 1992 quand Paul Bonnet, à l’époque Vice-président de la fédération française de course landaise, très connu dans le milieu, et grand aficionado a los toros, décide, pour occuper sa toute récente retraite, de se lancer, avec son fils âgé d’une vingtaine d’années et mordu de toros également, de monter sa propre ganaderia. Il avait pour cela, acheté une propriété, Le Lartet, un espace de 80 ha, vallonné avec des points d’eau et de riches herbages, et qui donnera le nom à l’élevage…

En 1996, les Sepulveda et les Cesar Moreno sont éliminés au profil d’origines Cebada Gago, les premiers issus de chez Margé, puis au début des années 2000 des Marques de Domecq issus de chez Fernando Domecq.

Aujourd’hui, le troupeau de sang Cebada Gago, Marquis de Domecq et Juan Pedro Domecq par Sanchez Arjona, se partage les 100 ha sur deux sites sous, depuis quelques temps, la direction du fils, Jérôme Bonnet et de sa fille Mathilde…. Environ 160 têtes, une soixantaine de vaches de ventre, quatre sementales, une dizaine de novillos, 20 becerros, 30 becerras et une quarantaine de plus jeunes…

L’élevage s’est depuis illustré très fortement au fil des temporadas, dans le Sud-ouest avec ses becerros…. La ganaderia gersoise a notamment remporté tous les prix mis en compétition en 2018, catégorie novillada non piquée pour la neuvième année consécutive, prix de feu l’Union des Clubs Taurins Paul Ricard pour le Sud-Ouest, prix des critiques taurins de France, le Trophée Occitanie. Remporter les trois prix est exceptionnel, c’est la récompense un travail de sélection et d’élevage fait depuis plusieurs années. Laissant loin le souvenir d’un premier novillo lidié en public à Aire, par Sébastien Castella le 26 juin 1996.

Rencontre avec l’éleveur :

-Des lots étaient prévus pour 2020 Non-piqué, novilladas,… Et lesquels étaient retenus ou en voie de l’être ?

Nous avions des lots retenus, notamment en commençant par Arles pour la Feria de Pâques, et jusqu’en septembre mais à l’heure actuelle, tout est en suspend…

-Comment vous vous projetez dans l’avenir avec votre élevage (En faisant abstraction du problème du Corovirus)

Malheureusement aujourd’hui, cette crise va être tellement grave pour la tauromachie que nous ne pouvons même plus envisager un avenir et se projeter dans le futur tellement le milieu taurin et les « taureaux » en général, de corrida, landais, camarguais également, vont être impacté.

-Paul, votre père et créateur de la ganaderia, est resté plus de 20 ans dans les « sans chevaux » avec pourtant des résultats haut de gamme sans franchir le pas (Voir les prix de l’UCTPricard). Pourquoi ?

La création d’un élevage est longue, il faut arriver à fixer le sang et la morphologie que l’on souhaite et aussi arriver à trouver un équilibre financier. C’est pour cela que nous avons préféré pendant toutes ces années travailler et pérenniser l’élevage avant de passer à l’échelon supérieur. Ainsi, ce travail durant de longue année en sans piquée nous a permis de se voir attribuer neuf fois d’affilé  le prix des clubs taurins Paul Ricard de la meilleure novillada sans picador section sud-ouest.

-Vous avez passé ce cap avec des résultats bien plus irréguliers qu’avec les becerros… Très bien votre novillo à Orthez, Arles l’an dernier un novillo de gala et trois mois plus tard, une certaine déception à Riscle… Y a-t-il une explication ?

Avant toute chose, je ne souhaite en rien minimiser ma responsabilité d’éleveur. On attendait un lot de novillos pour un spectacle, et ce lot n’a pas donné les résultats espérés, ni pour les aficionados, ni pour les organisateurs, ni pour le ganadero. Pour ce qui est des raisons, le novillo d’Arles est sorti au mois d’avril, à la sortie de l’hiver et il n’était pas excessif en gras et a été mobile. Ses frères du lot de Riscle sont sortis au mois d’aout, l’été a été particulièrement chaud, les toros ont très peu bougé et ont fait du « gras ». Le jour de la course, ils sont sortis asphyxiés dès le premier tercio et cela ne s’est pas arrangé jusqu’à la fin de la lidia. Le poids des tickets de l’abattoir a été absolument incroyable puisqu’il y a eu des novillos à 550 kg. J’ai travaillé cet hiver a modifié tout cela pour les novillos futurs et j’espère que cela me donnera raison. Le lot de Riscle était composé de deux lots de vaches différentes et de deux sementales différents or les six ont eu le même comportement. De plus, le taux de réussite dans les tentaderos avec les sœurs de ces mêmes novillos a été très bon, ce qui me fait penser que ce n’est pas un problème de qualité.

-Il y a trois ans vous avez inauguré une placita de tienta. Pourquoi pas jouxtant la propriété ou paissent les toros ?

Notre propriété est basée à Peyrusse Grande, dans les collines gersoises, il aurait été possible mais plutôt compliqué de l’établir là-bas. La placita a été construire jouxtant une vieille maison familiale, qui n’été plus habitée et à laquelle nous avons redonné vie. Cette arène de tienta a donc une connotation familiale. Maintenant, c’est dans cette maison que nous nous retrouvons après les ferrades, fiesta campera…etc. De plus, je pense aussi qu’il est mieux de déplacé son bétail de son lieu de naissance pour les tentaderos, chose qui se rapproche le plus de la réalité d’un toro de lidia.

-Vic Fezensac, Marcel Garzelli, Paul Bonnet…. Pensez-vous qu’on puisse les voir réunis dans les arènes Joseph Fourniol autour d’une corrida de toros du fer du Lartet lors d’une prochaine feria de Pentecôte ?

L’élevage de toros est une question de temps et de patience, mais nous avons le temps, car ils finiront tous les deux au moins centenaire…

-Aujourd’hui tout est à l’arrêt. Coté taurin, plus d’arènes jusqu’à nouvel ordre, plus de fiestas camperas, de ferrades publiques. Confinement total….
1er impact, moral et financier : que faire des lots prêts à être lidier ?

Pour l’instant, la préparation en vue d’une possible reprise en fin de saison, l’occasion peut être aussi d’essayer d’approuver des sementales en tientant des toros, mais dans tous les cas, des frais de fonctionnement qui ne changent pas et aucune rentrée d’argent.

-2ème problème : comment poursuivre les faenas camperas, le travail quotidien sans aides extérieures, les tentaderos aussi….

Je crois qu’aujourd’hui même si le campo est une échappatoire pour le moral des ganaderos, personne n’a à cœur de penser à autre chose que la santé de ses proches et de ses amis. Chaque chose en son temps.

-3ème impact et grave spécialement pour votre entreprise, les journées au campo, les fiestas camperas etc… etc…

J’imagine l’impact terrible pour confrères qui vivent en partie grâce à ses journées, pour ma part, nous n’avons jamais pratiqué celles-ci pour des raisons d’infrastructures et de temps car j’ai une activité professionnelle autre que l’élevage de toros de combat.

-Y a-t-il des aides qui ont été évoqué concernant l’élevage du toro de combat ?

Pour le moment, je n’en ai pas entendu parler, mais je sais que l’association des éleveurs de toros de combats français veillera à suivre tout ceci de près pour arriver à sauver l’élevage français.

Des terres du Lartet à Peyrusse-Grande dans le Gers, un novillo attendait de faire un voyage à Arles pour Pâques…. Espérons que ce ne sera que partie remise et que nous nous retrouverons tous autour de ce qui fait notre passion, le toro

Campo-Bonnet Jerome_Mathilde

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